À l'occasion de ses 140 ans, la Maison SELMER revient sur les instruments iconiques et les musiciens légendaires qui ont marqué son histoire. Indissociable de Django Reinhardt, la guitare Selmer est l'instrument mythique par excellence. Produite à seulement 885 exemplaires avant l’arrêt de sa fabrication en 1952, elle demeure aujourd'hui l’unique guitare française à jouir d'une renommée internationale.
L'histoire des guitares SELMER

La fabrication des guitares Selmer
Les débuts : Selmer-Maccaferri
Tout commence par la rencontre entre le luthier Mario Maccaferri et le dirigeant de la succursale Selmer de Londres, Ben Davis, au tout début des années 30.
À la fin de sa collaboration avec Selmer, en 1934, il crée une entreprise de fabrication d'anches puis s'installe à New-York en 1939 où sa société 'French American Reed' prospère rapidement. Plus tard, et après un échec dans la fabrication de guitares en plastique, il connaîtra à nouveau un succès considérable avec ses ukulélés en plastique (9 millions d'exemplaires vendus !). |
Mario Maccaferri pense que les vibrations de la caisse de la guitare sont étouffées par le contact du corps du musicien. Souhaitant assurer un meilleur rendement sonore à l'instrument, il propose d'insérer dans la caisse principale de la guitare une seconde caisse de résonance, afin que celle-ci puisse vibrer librement.
À Paris, Henri Selmer est séduit par le projet et donne carte blanche au luthier pour créer un atelier au sein de l'usine de Mantes-la-Ville. Nous sommes à la fin de l'année 1931. Deux types de guitares sont alors fabriqués : à cordes en boyau et à cordes en métal pour répondre à la demande croissante d'instruments adaptés au jazz.

Le premier modèle Selmer-Maccaferri à cordes métalliques sera baptisé modèle Orchestre, puis surnommé modèle Jazz. Pour cet instrument, Maccaferri fait un parallèle avec la construction de la mandoline, qui a également des cordes en métal. La table de la mandoline est pliée au niveau du chevalet, et celui-ci n'est pas collé mais repose sur la table. Cette pliure confère à la table une tension qui semble optimiser sa résonance. Maccaferri adapte ce principe de construction pour le modèle Orchestre, sur lequel la table est donc pliée au niveau du chevalet et courbée sur les barres. Elle possède un barrage constitué de 4 petites barres verticales et 4 barres principales horizontales.
En 1932, les guitares Selmer-Maccaferri partent pour Londres. Elles seront alors exclusivement distribuées en Angleterre, certainement en raison d'un accord avec Ben Davis. Le modèle Jazz est à ce moment-là le plus fabriqué ; il rencontre un certain succès en Angleterre, puis en France, lorsque Django Reinhardt le découvrira quelques années plus tard.
L'après-Maccaferri
La collaboration entre Selmer et Maccaferri est en vérité de courte durée : le contrat est dénoncé par Henri Selmer en janvier 1933.
L'accord est le suivant : Selmer continuera à fabriquer des guitares, mais sans le résonateur, breveté par Mario Maccaferri. Dans les faits, le résonateur est déjà critiqué et de nombreux musiciens le retirent de leur guitare pour tenter d'optimiser le volume sonore.

Ce changement aura pour conséquence le passage de la grande bouche à la petite bouche dans les ateliers Selmer. La grande bouche, qui avait été conçue sur la forme du résonateur pour permettre au son de sortir de la caisse de la guitare, devient en effet superflue avec sa disparition. En parallèle, le manche s'allonge, passant de 12 à 14 cases pour augmenter le diapason.
Les premières guitares adoptant cette configuration – manche à 14 cases et petite bouche ovale – apparaissent autour du numéro 400. La caisse conserve sa forme originale avec son pan coupé typique, mais l'allongement du diapason modifie la position du chevalet et nécessite l'ajout d'une barre supplémentaire entre le chevalet et le cordier.

À partir du milieu des années 1930, la vente est essentiellement nationale avec une grande majorité de guitares vendue en France. Seules quelques guitares seront exportées vers Montreux, Bruxelles ou Stockholm. Par ailleurs, la production se concentre presque exclusivement sur le modèle Jazz avec manche de 14 cases et petite rosace ovale.

Le timbre, la puissance et la précision de cet instrument répondent aux exigences de Django Reinhardt, qui joue alors dans les clubs à une époque où l'amplification est quasi-inexistante. C'est ce modèle de guitare qu'il adopte définitivement et contribue à rendre mondialement célèbre.
Face au succès de Django et à la demande croissante des musiciens, d'autant plus après l'arrêt des guitares SELMER en 1952, de nombreux luthiers se mettent à fabriquer des guitares "type" Selmer.
La guitare 503
Si cette guitare est intimement liée à Django Reinhardt et porte les traces de son jeu, elle témoigne aussi des débuts de l'électrification des instruments de musique qui a lieu en France au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Lorsqu'elle sort des ateliers SELMER en 1940, c'est une guitare purement acoustique, mais elle présente aujourd'hui des traces de trous qui ont servi à fixer des micros magnétiques. Certaines photos le confirment, notamment la série de photos prises chez Django par Hervé Derrien au début des années 1950 sur la demande de la maison Stimer pour la publicité de leur micro et ampli. |
Django Reinhardt, l'inventeur de génie
De la musette au jazz
Né en 1910 à Liberchies (Belgique) au sein d'une communauté de gens du voyage, Django Reinhardt passe son enfance à sillonner l'Europe et l'Afrique du Nord avant de s'installer avec sa famille à Paris.
Il fait ses débuts en jouant des valses musettes dans les quartiers populaires de Paris, accompagnant essentiellement des accordéonistes. Musicien hors pair, il se fait rapidement remarquer et enregistre son premier disque en 1928.
Cette même année, un incendie se déclare dans la roulotte de Django, le blessant gravement à la jambe droite et à la main gauche. Il perd l'usage de deux doigts et passe 18 mois à l'hôpital. Son frère lui offre alors une nouvelle guitare en guise d'outil de rééducation, et Django réapprend à jouer en développant une nouvelle technique et une virtuosité exceptionnelle. Au terme de sa convalescence, il découvre le jazz à travers Louis Armstrong et Duke Ellington. C'est une révélation pour Django, qui décide de consacrer sa vie à ce nouveau genre de musique.

En 1934, il fonde le Quintette du Hot Club de France avec le violoniste Stéphane Grappelli. Ils proposent un nouveau style de musique, uniquement sur instruments à cordes, mêlant l'héritage tsigane et le jazz de l'époque. Django est peu à peu loué dans le monde entier pour sa dextérité, son talent d'improvisateur et ses prouesses musicales. Minor Swing, enregistré en 1937, est aujourd'hui l'un des principaux standards du jazz manouche.
Lorsque la guerre éclate, le quintette est en tournée en Angleterre. Django Reinhardt rentre à Paris et Stéphane Grappelli, lui, préfère rester à Londres. Django monte alors un nouveau quintette en remplaçant l'une des guitares par une batterie et le violon de Grappelli par une clarinette. Le groupe rencontre un grand succès, et le disque Nuages se vend à plusieurs milliers d'exemplaires.

À l'issue de la guerre, il peut concrétiser un de ses grands rêves, qui était de partir en tournée aux États-Unis à l'invitation de Duke Ellington. Là-bas, il découvre l'amplification, mais aussi le bebop émergeant. Ces deux révélations vont beaucoup influencer sa musique dans les dernières années de sa vie, il sera d'ailleurs l'un des premiers français à intégrer des éléments bebop à ses compositions.
On peut mentionner le grand Henri Crolla qui, parallèlement à sa carrière de jazzman, a accompagné Henri Salvador, Mouloudji, Yves Montand, Brigitte Bardot... René Didi Duprat prendra la relève auprès d'Yves Montand, et tournera avec d'autres stars de la chanson : Aznavour, Juliette Greco et même Marlène Dietrich. |
Dans le sillage de Django
En mélangeant musique tsigane, jazz et musette, Django Reinhardt a inventé un style qui n’existait pas avant lui et qu'on appelle aujourd'hui jazz manouche, swing gitan ou gypsy jazz.
Après sa disparition en 1953, ceux qui l’ont connu vont continuer à jouer et faire vivre sa musique. Ce sont d'abord principalement des musiciens issus de communautés manouches : son frère Joseph, son fils Babik, mais aussi les frères Ferret, puis plus tard des musiciens comme Angelo Debarre, Stochelo Rosenberg et Romane.
En parallèle, la fascination pour Django Reinhardt gagne le monde entier et l'on voit naître des Quintette du Hot Club à San Francisco, au Royaume Uni, en Norvège, au Japon...

Après une diffusion relativement confidentielle dans les années 1960 et 1970, l'engouement pour la musique de Django revient à la fin des années 1980, avec des musiciens comme Raphaël Faÿs, Dorado et Tchavolo Schmitt. Il connaît ensuite un véritable essor au début des années 2000 en France et à l'international, porté notamment par le grand Bireli Lagrene. De nombreux artistes de variété comme Sanseverino ou Thomas Dutronc intègrent alors le jazz manouche à leurs compositions.
Considéré comme l'un des plus grands guitaristes du XXe siècle, Django Reinhardt fait aussi partie des rares européens à avoir marqué l'histoire du jazz. De nombreux groupes et festivals de musique continuent à éclore partout dans le monde pour lui rendre hommage.

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Toutes les guitares modèles Selmer-Maccaferri et Selmer sont présentées avec leurs spécificités de fabrication et caractéristiques techniques. Elles sont accompagnées de nombreuses photos d'artistes actuels et d'époque, catalogues, publicités... |