The Sound and me #02 avec Nicolas Arsenijevic
Une enveloppe
« Le son est l'identité du musicien, mais en même temps, ce n'est pas l'élément principal.
Pour moi, l'élément principal est le message que l'on souhaite porter, quel qu'il soit, dans n'importe quel style. C'est l'émotion qu'on transmet, le message, le discours, ce qu'on a à dire. Puis le son, c'est la façon dont on va le dire : c'est donc une enveloppe, une apparence, un corps, une voix, une langue.
Je pense que l'on peut commencer à parler de style à partir du moment où on parle d'une langue. C'est à dire que selon le style qu'on va jouer, le son ne sera pas le même puisque la langue ne sera pas la même. Il faut alors trouver la meilleure façon de s'exprimer pour arriver à faire passer ce qu'on a à dire, les émotions qu'on a à porter. »
Le fond qui remonte à la surface
« Le son est donc une enveloppe, un écrin. Il y a une très belle citation de Victor Hugo qui dit : La forme, c'est le fond qui remonte à la surface. Je trouve que ça s'applique très bien à la musique et au son, le but étant d'avoir l'apparence la plus conforme à ce qu'on a envie d'exprimer.
On voit souvent des gens qui ne sont pas forcément à l'aise sur scène ou dans ce qu'ils ont à dire, parce que l'enveloppe sonore n'est pas forcément en adéquation avec ce qu'ils ont envie de dire. »
Un mélange entre les écoles
« Dans ma conception plutôt classique du son, j'ai tendance à essayer d'allier ce que l'on appelait jusqu'à récemment "l'école française", avec ce qui se faisait un peu à l'étranger. Ce genre de concept n'est plus forcément valable aujourd'hui puisqu'on a de plus en plus de mélanges entre les écoles, de plus en plus d'échanges... Mais je dirais que par rapport au saxophone, ce que j'apprécie dans ce que j'ai appris lors de mes études en France, c'est vraiment une conception très boisée du son, avec une anche un peu tenue, plutôt centré, et avec du corps, de la patte. Quelque chose d'assez charnu.
Ce qui me touche beaucoup, c'est aussi la vocalité du son, et donc je la conçois vraiment avec une réelle ouverture. Ouverture qu'on trouve spécialement dans "l'école américaine", ou chez des saxophonistes comme Arno Bornkamp ou Nobuya Sugawa, par exemple. »
Une certaine souplesse
« En jouant de la musique traditionnelle des Balkans, sachant que c'est un terme générique qui ne veut pas dire grand-chose (ça dépend des régions et il existe beaucoup de variantes), on a besoin d'un matériel particulièrement faible pour pouvoir contrôler d'autres éléments de langage.
Les bend, comme en jazz, par exemple, sont des choses qui nécessitent une certaine souplesse au niveau du matériel. La micro tonalité aussi. Ou les quart de ton. Ce sont des choses qui s'obtiennent vraiment avec un matériel très souple.
En fait je pense qu'en jouant deux styles différents, je suis le même musicien, mais je ne parle pas le même langage. »
Comme un français qui parle anglais
« Les sentiments qu'on va viser sont souvent les mêmes puisqu'ils sont inhérents à l'être humain, ce sont des choses assez universelles. Cependant, les moyens ne seront pas les mêmes, et c'est là qu'on entre dans les subtilités propres à l'esthétique. Et qui dit esthétiques dit forcément sonorités différentes.
Quand on parle de langage, je pense qu'il y a ce qu'on dit, et comment on le dit. Est ce qu'on parle bien le langage ? Est ce qu'on a un bon accent ?
Par exemple, quelqu'un qui aurait un son inadapté au style qu'il est en train de jouer, ça serait un peu comme un Français qui parle anglais avec un accent terrible. On connaît bien ça… »
Une composante de l'émotion
« Pour résumer, je pense qu'il ne faut surtout pas se focaliser sur le son. C'est un paramètre, c'est une composante de l'émotion qu'on veut faire passer. C'est une voix, et comme un acteur va travailler sa voix et sa diction, je pense qu'il faut voir le son de cette façon-là. Il ne faut surtout pas oublier le message qui est derrière: quelle émotion je veux atteindre, qu'est-ce que j'ai envie de dire, et comment je vais le dire. »
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