The Sound and me #01 avec Antonio Felipe Belijar
Pour ce premier épisode de notre série, découvrez le témoignage du saxophoniste espagnol Antonio Felipe Belijar, pour qui le son est le moyen de faire voyager les sentiments et les idées...
Une invitation au voyage
« À mon sens, le son est le moyen par lequel voyagent les sentiments et les idées que nous souhaitons transmettre au public. Le son ne se résume pas au timbre, mais à la conjonction d'une multitude de paramètres qu'il faut gérer simultanément, comme l'attaque, l'intonation, la maîtrise de l'instrument dans les intervalles, les différents registres et les nuances.
Par exemple, imaginons que dans le mezzo forte, sur une valeur longue, je cherche le timbre le plus puissant, le plus rond ou le plus parfait possible. Mais qu'avec ce son, je ne sois pas capable d'attaquer dans le grave de manière subtile. Alors ce son ne fonctionne pas pour moi, car je ne peux pas l'utiliser comme ce bateau qui transporte des sentiments et des idées...
Le son doit être flexible. Nous devons être capables d'obtenir une stabilité de timbre en jouant piano, forte, staccato, legato, dans l'aigu, le grave, dans tous les cas de figure. Il nous faut trouver un timbre stable qui nous permette d'obtenir l'homogénéité dans toutes les situations. ».
Un costume
« Une autre idée qui me vient à propos du son, c'est que ce n'est pas une chose invariable.
J'entends souvent : "Que j'aime le son de telle personne ou tel.le saxophoniste !", et je me dis: "Le son serait donc une chose unique et figée?".
C'est comme un costume. Imaginons un costume magnifique, qui me va très bien, et dans lequel je suis très beau. Je le porte d'abord à un mariage. Très bien, parfait. Mais le lendemain, je mets le même costume pour aller à une fête avec des amis. Dans une situation c'est une tenue appropriée, dans l'autre, non. Le costume est le même, mais le contexte est différent. C'est comme si nous étions des acteurs, des acteurs de la musique. Notre visage, nos costumes, notre corps doivent varier pour s'adapter au rôle que nous allons jouer. Pour le son, c'est exactement la même chose.»
Une œuvre, un son
« Quand je pense à des œuvres comme par exemple la sonate de Paul Creston, pour citer une œuvre très célèbre, j'imagine le saxophone américain, très robuste, avec un son puissant, avec un vibrato ample et rapide.
Quand je pense au concerto de Larsson, j'imagine le saxophone nordique. Un timbre un peu similaire, mais quelque chose de plus chaud et avec beaucoup de vibrato, un vibrato plus «chaud», un peu plus lent.
Quand je pense à Tableaux de Provence, de Paule Maurice, j'imagine le saxophone français traditionnel, plus fin, plus stable, un son peut-être un peu plus délicat, plus élégant.
Si je pense à Denisov, c'est un son encore plus fin, sans vibrato, avec une attaque plus nette et plus propre. Nous irions plus loin encore si nous évoquions l'interprétation de la Sequenza IXb de Berio, par exemple, pour saxophone alto. Ainsi, un son peut être très beau dans certaines situations seulement. Imaginez le son approprié pour la Sonate de Paul Creston utilisé dans la SequenzaIXb de Berio, avec un son puissant, un large vibrato et beaucoup de timbre. Ce serait une erreur, tout comme le beau costume que l'on porterait pour aller faire du sport.»
Comme un caméléon
« Le son n'est donc pas une chose figée, unique. J'aime l'idée que mon son change en fonction de chaque type de musique, ou s'adapte aux différents passages d'une œuvre, comme l'acteur qui change de visage en fonction du rôle qu'il joue.
Voilà pourquoi il est essentiel pour moi de pouvoir être comme un caméléon. D'incarner des personnes différentes, des sons différents. D'être toujours en mesure de maîtriser les différents aspects techniques comme l'articulation, l'intonation, la stabilité sur toute la durée de la note, la stabilité du timbre dans le forte et le pianissimo…
Au-delà de l'idée de jouer une note, et que cette note soit un son absolument merveilleux ou non, je suis constamment à la recherche de l'excellence sur tous les paramètres. C'est pourquoi j'ai cherché les saxophones qui me donnaient une base solide, un très beau timbre, mais en même temps qui me permettaient de jouer sur les différents aspects 'ange et démon' du son…».
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